
Voici un petit tour d'horizon de l'histoire de l'origami depuis sa pratique rituelle au Japon au IIème
siècle avant J.-C.
Jusqu'à la constitution de la fabuleuse Origami Database, témoin de la vitalité de
cet art, qui répertorie à ce jour sur internet 22 724 modèles de 1831 créateurs.
1/ La tradition nippone.
Bien que le papier soit né en Chine au IIème siècle avant J.-C., on pense que la pratique régulière
du pliage de papier est essentiellement d'origine japonaise et remonte au VIème siècle.
Les premiers pliages étaient destinés à l'emballage des médicaments et des aromates. Ils servaient
également les rituels religieux pratiqués par les moines shintoïstes, et l'on en trouve encore des
traces dans les temples actuels sous la forme de serpentins de papier pliés en zigzag (O-Sheda et
Gohei).
À partir de l'an mille, on voit apparaître des modèles traditionnels comme le papillon, la grue, la
grenouille et le crabe.
À l'occasion des mariages, les flacons de saké sont aujourd'hui encore scellés par un papier plié en
forme de papillon.
Durant l'époque Muromachi (1392-1572) se développe un art de l'emballage très codifié qui associe
papiers pliés et cordons de différentes couleurs (noshi). Trois ouvrages témoignent de la tradition
japonaise. Les deux premiers sont parus en 1797: le Senbazuru-origata, qui donne des instructions
pour plier des grues attachées les unes aux autres (de deux à une centaine), et le Chushingura-
origata, qui réunit des diagrammes permettant de plier les personnages d'un jeu japonais. Le
troisième, le Kan-no-mado, daté de 1845, est une sorte d'encyclopédie écrite à la main dont deux
tomes sont consacrés au pliage.
L'art du pliage de papier se généralise sous le nom d'origami (de oru : plier et kami : papier), et
quelque 150 modèles sont créés entre la fin de la période Edo(1867) et de la période Taisho(1912-
1926). Le pliage est enseigné aux enfants par la transmission familiale, avant de devenir partie
intégrante de l'instruction dans les jardins d'enfants, les écoles primaires et les collèges de jeunes
filles dès le début du XIXème siècle.
2/ Un art international et multiforme.
La connaissance de l'origami en France se limite généralement à la cocotte, que d'ailleurs fort peu
de gens savent plier, paradoxalement. L'image des ronds-de-cuir pliant la paperasse afin de lutter
contre l'ennui fut répandue au XIXème siècle par des écrivains tels Émile Zola et Georges
Courteline, et le petit volatile devint le symbole de leur désœuvrement. La cocotte nous viendrait
des Maures d'Afrique du Nord, excellents mathématiciens, qui démontraient la géométrie par le pliage.
Malgré l'Inquisition qui les expulsa, leur influence permit à l'Espagne de revendiquer la paternité de
la fameuse Pajarita. La pratique du pliage en Europe est en fait bien plus lointaine et diverse.
L'introduction du papier ne s'y est faite que tardivement (de 1036 à 1490), mais on s'y intéressait au
pliage des tissus dès la fin du Moyen Âge.
À la Renaissance, les cours européennes s'entichent du pliage des nappes et des serviettes.
Ainsi, pour les noces du roi Henri IV et de Marie de Médicis, la table d'honneur fut-elle parée de
pliages en forme de fruits et d'oiseaux.
Les magiciens et prestidigitateurs remarquèrent très tôt le pliage en accordéon, l'éventail magique
(en anglais troublewit), décrit dès 1725 par l'éducateur jésuite Jacques Ozanam dans un ouvrage
intitulé Récréations mathématiques et physiques.
Dans les manuels scolaires du XIXème figuraient les modèles classiques du bateau, du changeur de
couleurs (ou salière), du moulin à vent et de la gondole. Dans le but de faciliter aux enfants
l'apprentissage du calcul et de la géométrie, le pliage fit son entrée officielle dans l'enseignement
élémentaire en 1882.
Un instituteur, M. Savineau, publie en 1897 un livre de travaux manuels scolaires, Pliage et
découpage du papier, qui fait référence au pédagogue allemand Friedrich Fröbel, créateur en 1840
du premier jardin d'enfants. De même, la célèbre doctoresse italienne Maria Montessori prône
l'utilisation du pliage pour éveiller les facultés créatrices des enfants. En Allemagne, Laslo Mojoly-
Nagy inclut des cours de pliage à l'école du Bauhaus en 1930.
C'est grâce au Maître japonais Akira Yoshizawa que les différentes traditions ont pu se rejoindre.
Il met au point dans les années 1950 un langage internationale de symboles permettant de déchiffrer
tous les livres d'origami.
En 1955, l'Américain Gershon Legman s'établit dans le sud de la France et expose dans un jardin à
Cagnes-sur-Met 300 pliages venus du Japon. Pour la première fois, des œuvres d'Akira Yoshizawa
sont montrées en Occident. Cette exposition inaugurale sera suivie de celle du musée municipal
d'Amsterdam en novembre 1955.
3/ L'origami aujourd'hui.
Le Mouvement français des plieurs de papier (M.F.P.P.) a été créé en 1978 par un artiste diplômé
des Arts décoratifs, Jean-Claude Correia, actuel président d'honneur.
Cette association de bénévoles édite une revue trimestrielle intitulée Le Pli, participe à des
manifestations telles que le Mondial de la maquette et du modèle réduit ou le Salon Culture et Jeux
mathématiques, fait vivre une bibliothèque spécialisée de plus de 550 ouvrages et organise une
convention annuelle, les Rencontres de Mai, ainsi que des réunions hebdomadaires de pliages.
Actuellement, les créateurs français les plus connus non seulement en France, mais aussi pour certains
à l'étranger, sont Lionel Albertino, Jean Claude Correia, Didier Boursin, Vincent Floderer,
Fritz Junior Jacquet, Eric Joisel, Tuan Luong, Gérard Ty Sovann, Olivier Viet et bien d'autres qu'il
faudrait citer et qui voudront bien nous excuser de les omettre.
Des associations existent dans le monde entier.
Elles entretiennent des contacts réguliers et ont pour but essentiel de concourir au développement de
cet art encore mal connu.
En Europe, l'organisation la plus ancienne et la plus internationale, puisque la moitié de ses 700
membres sont des non-résidents, la British Origami Society (BOS), a été créée en 1967.
Le Centro Diffusione Origami (C.D.O.), en Italie, a été créé la même année que l'association
française et regroupe environ 400 membres.
L'Association Española de Papiroflexia existe depuis 1982.
Origami Deutschland a vu le jour en 1986.
Aux États-Unis, OrigamiUSA est née en 1980.
Forte de 2000 membres, elle organise une convention annuelle regroupant quelque 600 participants.
Enfin au Japon, la plus ancienne organisation est la Nippon Origami Association (NOA).
Avec environ 6000 membres, elle représente l'organisation de plieurs la plus importante du monde.
La Japan Origami Academic Society (JOAS), création plus récente (1989), rassemble des créateurs
et des chercheurs de haut niveau: 2000 membres japonais et 300 membres étrangers.
